Restitutions : donnez une autre dimension à vos insights grâce à la vidéo

Quand j’ai commencé il y a 10 ans, je faisais de bons gros rapports écrits, avec des portraits de mes interviewés, des pages et des pages d’analyse, tout ça dans un style Times New Roman, espacement 1,5 bien classique.

Erreur ! Ça ne sert à rien, et ça finit généralement dans un tiroir. 

Et il ne se passe plus rien. 

J’avais passé énormément de temps sur un document dont l’impact allait être très limité. Et ça m’a beaucoup frustré. 

10 ans après, après avoir testé plusieurs formats, il y en a un que je trouve particulièrement efficace : la vidéo. 

Aujourd’hui, je ne fais plus une seule restitution sans support vidéo. J’ai commencé quand je travaillais pour Carrefour. J’avais essayé différents formats, le rapport, le PowerPoint, les expositions, les posters, les portraits imagés, les newsletters,... avec plus ou moins de succès. 

Je n’avais jamais fait de vidéo, pourtant j’avais toute la matière sous la main : j’enregistrais les entretiens, mais plutôt pour les archives, "au cas où". De toute façon, je me disais que je n’avais pas le temps de faire des restitutions vidéos, je devais délivrer rapidement, et la slide me paraissait la plus pertinente en termes de rapport efficacité/temps. 

Un jour, je me suis dit que j’en avais vraiment marre de gratter des slides. Pour une fois, j’avais un peu de temps devant moi, et j’ai voulu tester un autre format. Alors, j’ai fait des vidéos. Pour être plus précise, j’ai fait une vidéo, un court-métrage si je puis dire, d’une quinzaine de minutes. Comme c’était la première fois, ça m'a pris un temps fou, mais ça a eu un impact incroyable !

A l’époque, on travaillait dans les locaux de WeWork, à côté de la BNF, à Paris. Il y avait un grand cinéma, à côté. Juste avant la réunion, je suis allée acheter du popcorn. Quand les gens sont arrivés dans la salle, je leur ai dit qu’on allait tester quelque chose, et je leur ai tendu le popcorn. J’ai éteint les lumières, et j’ai projeté ma petite vidéo. 

Ça a fait son effet, les gens étaient beaucoup plus engagés, les échanges fusaient, la conversation post-vidéo était très animée, les gens essayaient de formuler eux-mêmes les insights plutôt que de les écouter, et en redemandaient : “est-ce qu’on pourrait avoir une vidéo aussi la prochaine fois ?” 

J’ai dit d’accord, avec une goutte de sueur dans le cou : comment allais-je faire pour délivrer aussi rapidement que je le faisais précédemment ? 

Quels sont les atouts de la restitution vidéo ? 

L'empathie.
Un stakeholder peut plus facilement se mettre à la place d’un utilisateur quand il l’entend raconter ses galères que quand c’est vous qui le faites. Il se souviendra plus facilement de l’expérience vécue par l’utilisateur parce qu’il l’a vue et entendue. Un bon nombre de mes clients finissaient par citer les utilisateurs qu’ils avaient vus en vidéo : “Blandine a ce problème là…” ; “Vincent ne comprendra pas cela…” 

L'impact.
Lorsque vos stakeholders regardent une vidéo, ils essaient naturellement d’interpréter eux-mêmes ce qui est dit. Une fois la vidéo vue, ils deviennent acteurs de l’analyse et non plus spectateurs passifs qui vous écoutent. Un insight qui a été co-construit aura toujours plus de force qu’un insight délivré de manière passive. Ils seront plus impliqués dans la solution parce qu’ils auront eux-mêmes identifié le problème à résoudre. 

La crédibilité.
Une vidéo rend votre analyse plus crédible, car il y a la preuve que vous n’avez rien inventé. Elle donne du poids à vos propos, et permet d’éviter les mouvements de contestation de votre analyse et les questions du type : “tu es sûre que tu as bien interprété ?”

Ne tirez pas sur le messager.
En tant que Researcher, on se retrouve parfois dans la position inconfortable du messager qui apporte des mauvaises nouvelles. Et quand on se trouve en première ligne, on peut se prendre des balles, ce qui n’est jamais agréable. La vidéo permet de ne pas porter ce poids en vous désengageant du rôle d’intermédiaire. 

Comment faire une restitution vidéo efficace ? 

Quick and dirty.
Vous n’allez pas monter les marches de Cannes pour présenter votre vidéo. Ça ne sert à rien de peaufiner votre montage pour qu’il soit parfait, de toute façon, vous n’êtes pas réalisateur ou monteur professionnel. 

Enregistrez tous vos entretiens, tests utilisateurs ou autres interviews.
Teams fonctionne très bien, Zoom aussi, et vous avez pléthore de plateformes qui permettent d’enregistrer facilement les conversations. Vous voulez aller sur le terrain ? Le smartphone fera l’affaire, à la main ou simplement posé face à l’utilisateur. Si vous faites du non-modéré, demandez à vos participants de se filmer. 

Notez les timecodes.
Quand vous sentez que l’utilisateur est en train de dire quelque chose de particulièrement intéressant, notez-le. Pour cela, vous pouvez soit les noter à la main sur votre cahier ou ordinateur, ou lancez un chronomètre et appuyez sur tour chaque fois qu’il y a quelque chose d’intéressant. L’objectif est d’avoir un marqueur de temps à peu près au moment où l’utilisateur vous sort sa plus belle citation. 

Faites une compilation courte, organisée, compréhensible par tous et contextualisée

1. Récupérez les vidéos sur un logiciel de montage facile et rapide (iMovie, Windows Movie Maker)

2. Préparez des intercalaires avec sur chacun d’entre eux la problématique explorée (ex : le rapport à l’argent chez les jeunes de 15 à 18 ans, test de la homepage…) 

3. Découpez vos vidéos en fonction des timecodes notés, puis placez les extraits dans les intercalaires 

4. Répétez l’opération pour les autres vidéos. Vous n’avez pas besoin d’ajouter TOUS les extraits qui concernent la problématique, juste ceux qui sont le plus pertinents ou illustratifs. 

5. Ajoutez des sous-titres si votre audience est internationale, ou si le son est inaudible par moments. N’oubliez pas d’égaliser le son. 

6. Trouvez-vous un petit jingle pour chaque intercalaire, ça donne du rythme et ça permet de créer une signature sonore tout de suite identifiable. 

7. Préférez des vidéos courtes à des vidéos longues. Si votre projet comporte plusieurs thématiques, faites une vidéo par thématique plutôt qu’une vidéo comprenant tout. 

8. Faites attention au contexte lorsque vous choisissez vos extraits. Une citation peut avoir des sens variés si elle n’est pas remise en contexte. N’oubliez pas, vous n’êtes pas réalisateur, vous ne racontez pas une histoire, vous restituez le mieux possible ce que vous avez vu et entendu sur le terrain. 

L’art de la facilitation

Une fois la vidéo présentée, préparez-vous à ce que les échanges partent dans tous les sens. Pour éviter que votre restitution ne se transforme en foire, préparez en amont l’échange post-vidéo. 

Objectifs de la restitution.
Définissez avec vos stakeholders les objectifs de la restitution. Cela vous permettra de garder le contrôle et de rester focalisé sur ce qui doit être fait pendant la restitution. 

Écoute active.
Demandez à vos stakeholders d’écouter activement le contenu des vidéos. Encouragez les prises de notes, qui permettent d’avoir du recul sur tout ce qui a été entendu et vu. 

Organisez la prise de parole.
Laissez 1 à 2 minutes d’échange libre, en guise de catharsis, puis prenez le contrôle de la conversation. Rebondissez sur une parole et structurez la conversation.

Par exemple, si quelqu’un dit “clairement, ça veut dire que cette fonctionnalité n’est pas du tout comprise des utilisateurs” :

  • Demandez-lui de préciser sa pensée : “s’agit-il de toute la fonctionnalité, ou d’une partie de la fonctionnalité ?” 
  • Adressez-vous aux autres pour savoir s’ils sont d’accord avec l’analyse 
  • Si vous sentez des approximations dans l’analyse, apportez votre expertise : “ce que l’on comprend à travers ces extraits vidéos, c’est que…” 
  • Concluez avec les prochaines étapes en récapitulant ce que vous avez appris et les conséquences que cela entraîne (ex : y a-t-il besoin de Research complémentaire sur un point particulier ? Qui fait quoi ? Quelle est la deadline ?...) 

Timing.
Il n’y a rien de pire que de ne pas terminer sa restitution. Allouez un temps pour chaque vidéo présentée, et passez à la suivante. 

Parking lot.
La conversation dérive souvent sur des sujets connexes, qui sont intéressants mais qui n’ont pas leur place dans la discussion du moment. Notez tous ces sujets dans un parking lot, et dites à vos stakeholders qu’ils seront traités plus tard. Ne perdez pas de vue les objectifs de votre restitution. 

Comment utiliser la vidéo ailleurs que lors de vos restitutions ? 

La vidéo est un très bon outil qui vous permet d’engager vos stakeholders. En fonction du contexte, vous pouvez l’utiliser à d’autres moments : 

Pendant la phase de Recherche

  • Vous pouvez inviter vos stakeholders à visionner les vidéos.
  • Vous pouvez utiliser des vidéos précédentes comme prompt à montrer à vos participants pour les faire réagir.
  • Une restitution prend un peu de temps de préparation. Pour délivrer rapidement des macro-insights, j’ai tendance à me filmer moi, ou l’interface, en expliquant les grandes lignes de ce que vous avez pu observer. Ce peut-être au début de votre phase de recherche pour présenter des hypothèses, en cours de recherche lorsque vous découvrez quelque chose de saillant, ou juste après votre recherche pour donner les toplines.

Après la phase de Recherche

Vous avez fait des vidéos, réutilisez-les pour diffuser la connaissance utilisateur ! Dans des newsletters, lors de présentations à un plus grand nombre, pour convaincre une autre business unit de faire de la Recherche,...

Le mot de la fin 

La vidéo est un outil très efficace pour restituer sa Recherche, diffuser la connaissance utilisateur, engager ses stakeholders. Ce n’est pas le seul outil pour autant, et il ne faut pas tout miser dessus. Ne faites pas de vidéos si le contexte ne s’y prête pas, adaptez vos outils, testez, apprenez, recommencez !

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